Sunday, June 16, 2019

Recensions/Book Reviews

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In Command: Theodore Roosevelt and the American Military. By Matthew Oyos. (Dulles:  Potomac, 2018. x,  436 pp. $36.95.)
 
Journal of American History, Volume 106, Issue 1, June 2019, Pages 214–215, https://doi.org/10.1093/jahist/jaz260
Published:
01 June 2019
Serge Ricard

    Matthew Oyos's In Command, building on his 1993 Ph.D. research, brushes over a number of diplomatic episodes hitherto well covered by other scholars and concentrates specifically on Theodore Roosevelt’s lifelong interest in, interaction with, and impact on the American military. Oyos brings together the army and the navy in a combined study, effecting a welcome synthesis of two services that were under his authority as president. The primary and secondary sources on the military used by Oyos are extensive and beyond reproach, but he ignores major twenty-first century works that analyze or throw light on Roosevelt’s personality and statecraft, such as Lewis L. Gould’s second edition of The Presidency of Theodore Roosevelt (2011), Gould’s The William Howard Taft Presidency (2009), or J. Lee Thompson’s Never Call Retreat: Theodore Roosevelt and the Great War (2013). Part of this omitted scholarship might have made for more nuanced views here and there, as in the case of the Venezuela crisis or Roosevelt’s “last crusade.”

    The author first offers a standard review of Roosevelt’s youth and his apprenticeship in combat, management, and leadership until the New York governorship—the Rough Rider’s springboard to the White House. With a “new hand on the helm” America was to come of age as a great, modern, imperialist power with a farsighted defense strategy. Roosevelt’s expertise in military matters shined spectacularly as he feverishly set about improving and expanding the navy and, similarly, yet less successfully, pushing reforms to make the army and militia more efficient—always with a keen eye for technological advances and a knack for using the bully pulpit to promote his agenda. Oyos further examines the twenty-sixth president’s efforts to create new institutions of command, with a desire for an enduring legacy: the establishment of the army general staff, his abortive attempt to set up a naval equivalent, and his use of the existing General Board of the U.S. Navy. Roosevelt was always the dabbler, and his passion for warfare led to his involvement with equal energy in discussions over such technicalities and innovations as the respective merits of bayonets and rifles, to the need for “all-big-gun” battleships of the British Dreadnought type, and the promises of submarine technology and flying machines. Throughout, Oyos reveals Roosevelt’s adeptness at sparking or reacting to controversies: the white fleet cruise, charges of defective battleship construction, the removal of the U.S. Marine Corps from sea duty, merit promotions that jumped seniority, the imposition of physical tests, and, ultimately, his militant opposition to WoodrowWilson during World War I.

    Readers are treated to a detailed overview of the modernization and expansion of the American military under the guidance of one of its most qualified commanders in chief. The portrait that emerges is fair, well balanced, and unsparing when it comes to Roosevelt’s love of himself and his ill-advised self-righteous excesses in the face of criticism, as happened with the 1906 Brownsville affair.


Serge Ricard
Sorbonne Nouvelle
Paris, France
 

 

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Serge Ricard, François Vergniolle de Chantal. L’impossible Présidence impériale : le contrôle législatif aux États-Unis. Paris : CNRS Éditions, 2016. 450p. 32 €. ISBN : 978-2-271-07593-2. 

On ne peut s’empêcher de penser à Donald Trump en lisant cet ouvrage qui fait écho en partie par son titre, sinon par son propos, au livre postérieur de Jeremi Suri, The Impossible Presidency : The Rise and Fall of America’s Highest Office (New York : Basic Books, 2017), sur les défis d’une charge devenue trop lourde pour un seul homme à l’ère moderne. François Vergniolle de Chantal offre une réflexion d’envergure, extrêmement riche et documentée, souvent très technique, sur le système politique américain depuis sa fondation. Il souligne l’originalité de l’équilibre des pouvoirs aux États-Unis et expose en détail ce qui fait sa supériorité sur les régimes parlementaires occidentaux.
La première partie est une étude comparative de la mise en place de nouvelles institutions politiques et de leur évolution et expansion chez les deux républiques sœurs, filles des Lumières, nées des deux grandes  révolutions de la fin du XVIIIe siècle, l’Amérique et la France. L’influence relative du modèle monarchique britannique et du précédent américain sur les constituants français de 1789 ouvre finalement la voie à une  construction « spécifiquement nationale » aux emprunts extérieurs limités. Au-delà de la controverse sur la nature et l’ampleur de ces deux révolutions et leur aspiration commune à l’universalisme, les républicanismes américain et français s’emploient, selon l’auteur, à trouver un équilibre satisfaisant entre les pouvoirs du législateur et ceux du prince ou du président, mais de la Constitution de 1791 à la Ve République, le parcours institutionnel en France est le plus tourmenté.
Aux États-Unis l’ascendance législative au XIXe siècle est renversée à deux reprises au profit d’une présidence forte avec Andrew Jackson, qui se réclame d’un mandat populaire, et Abraham Lincoln, qui s’érige en défenseur de l’Union, jusqu’à ce que Théodore Roosevelt, Woodrow Wilson et, surtout, Franklin Roosevelt posent les bases de la présidence moderne, autonome dans l’action et ultimement « impériale », « bâtie dans un conflit permanent de légitimités avec le Congrès », se dotant des moyens d’agir pour gouverner  et revendiquant un rôle législatif et administratif à part entière, comme par exemple le recours fréquent à des décrets ou accords exécutifs (executive orders, executive agreements).
Une analyse fouillée du bicamérisme américain occupe la deuxième partie de l’ouvrage. François Vergniolle de Chantal décrit par le menu l’évolution historique des deux chambres, les transformations et modifications de leurs fonctionnements respectifs. Il explique les raisons de la formidable sécurité électorale des représentants et la relative précarité des sénateurs. Il démontre que la composition du Sénat (deux élus par État) accorde aux petits États une influence politique sans commune mesure avec leur faible population, au détriment des États les plus peuplés. Dans un contexte de polarisation idéologique l’on constate l’existence d’une coupure entre zones rurales majoritairement blanches et conservatrices et zones urbaines à forte concentration ethnique, demandeuses de réformes sociales, avec un découpage électoral qui favorise le Parti républicain. Contrairement aux apparences et aux accusations d’excès de présidentialisation, le Congrès est un frein puissant avec lequel le chef de l’exécutif américain, « l’homme le plus puissant du monde », doit composer en permanence ; son pouvoir n’est impérial, note l’auteur, que lorsque les deux chambres le veulent bien. Par ailleurs, l’articulation générale des pouvoirs en leur sein s’est modifiée avec la polarisation partisane des dernières décennies qui a contribué à la rationalisation du fonctionnement de la Chambre des représentants et a rendu le Sénat encore plus anarchique, mais seul doté d’un pouvoir de blocage et de contrôle a priori sur l’exécutif avec le filibuster (flibuste), ou sa menace. L’auteur montre que le bicamérisme initial privilégié par les Pères fondateurs, qui voulaient faire de la chambre haute, élue au second degré, une élite stabilisatrice du républicanisme, se transforma plus d’un siècle plus tard en bicamérisme égalitaire intégral avec le XVIIe Amendement et l’élection des sénateurs au suffrage universel (1913). La représentation égalitaire des États sans correction démographique fait des États-Unis une anomalie souvent relevée parmi les régimes représentatifs bicaméraux. Mais c’est surtout sur le caractère procédurier de la chambre haute, notamment depuis les années quatre-vingt-dix, que se concentrent les critiques. Pourtant, la mutation opérée avec l’exacerbation des clivages entre partis et le rôle accru de ces derniers va dans le sens de l’internalisation des « poids et contrepoids » voulue par les conventionnels de Philadelphie au sein même du premier des pouvoirs, le Congrès. De ce fait le Sénat est devenue à maints égards « le véritable pivot des institutions nationales ».
La chambre haute fait l’objet de la troisième partie. François Vergniolle de Chantal déroule l’historique de la transformation du Sénat, de son adoption progressive de règles de fonctionnement et de coutumes au gré des événements, par une sorte d’auto-construction par étapes qui l’éloigne spectaculairement du concept initial des Pères fondateurs et aboutit à ce que d’aucuns célèbrent comme « la plus grande assemblée délibérative au monde ». À la faculté d’examen a posteriori qu’il partage avec la Chambre des représentants s’ajoute un pouvoir de surveillance a priori qui prend souvent la forme d’une menace de filibuster. Le blocage sénatorial est « un obstacle souvent rédhibitoire pour le président » et pour un travail législatif efficace, mais on a pu noter l’assouplissement récent de certaines règles, comme l’adoption de la majorité simple pour la confirmation de la plupart des nominations présidentielles.
Outre l’arme lourde de la destitution (impeachment) le Congrès dispose donc de plusieurs moyens de surveiller les projets et les actions de l’Exécutif, notamment un pouvoir d’enquête dévolu plus particulièrement au Sénat. L’ouvrage en donne de nombreux exemples, autant d’accrocs au « privilège de l’exécutif » (executive privilege). Il s’attache également à traiter du rôle des sénateurs (advice and consent, « avis et consentement ») dans la confirmation ou non des nominations présidentielles (responsables gouvernementaux et administratifs, ambassadeurs, magistrats) et la ratification des traités internationaux — approbation rendue plus difficile par temps de polarisation et de cohabitation (divided government). En politique étrangère le pouvoir de déclarer la guerre partagé entre l’Exécutif et le Législatif s’est étendu considérablement au XXe siècle au profit du « commandant en chef » et le Congrès, souvent contourné, a vu son rôle décliner en proportion inverse de l’accroissement des pouvoirs de guerre du président. Au total, nous dit l’auteur, les checks and balances (« freins et contrepoids ») se portent bien et le déclin du Législatif n’est pas à l’ordre du jour, malgré la croissance exponentielle de l’Exécutif, car « à chaque avancée de la Présidence correspond ensuite un retour du Congrès ». Concurrents en légitimité populaire, ce sont deux pouvoirs indépendants qui se toisent, s’affrontent ou coopèrent dans le cadre d’un système institutionnel pérenne à l’étonnante faculté d’adaptation.
Les États-Unis d’Amérique vivent actuellement sous leur imprévisible et chaotique 45e présidence un test majeur de leurs institutions dans la mesure où un Parti républicain radicalisé domine les trois arènes du pouvoir (Chambre des représentants, Sénat, Maison-Blanche) et est en passe de contrôler sa quatrième composante, le Judiciaire, grâce aux nombreux postes de magistrat vacants dont le Sénat a bloqué le pourvoi sous Barack Obama. Cette situation sans précédent suscite des questionnements auxquels le livre de  François Vergniole de Chantal, fort opportunément, apporte des éléments de réponse. Avec sa mise en perspective historique, cet ouvrage de science politique et de droit constitutionnel, qui fourmille d’analyses et d’informations sur les deux chambres du Congrès et leur interaction avec l’exécutif, peut prétendre au statut de vade-mecum. Il sera extrêmement précieux pour tous ceux, étudiants avancés ou chercheurs, qui veulent comprendre la politique américaine au-delà des mythes, des clichés et des approximations.

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Serge Ricard, « Tony Smith. Why Wilson Matters : The Origin of American Liberal Internationalism and Its Crisis Today. Princeton and Oxford : Princeton University Press, 2017. 332 p. », IdeAs [En ligne], 10 | Automne 2017 / Hiver 2018, mis en ligne le 18 décembre 2017. http://journals.openedition.org/ideas/2185  

   Le livre que Tony Smith consacre au « wilsonisme », connu par ailleurs sous le nom d’« internationalisme libéral », se déroule en deux temps : d’abord l’analyse des origines de la doctrine telle qu’elle se définit sous la plume du 28e président des États-Unis ; ensuite sa résurgence sous Franklin Roosevelt et le rôle essentiel qu’elle a joué dans la conduite de la politique étrangère américaine de Pearl Harbor à l’effondrement de l’Union soviétique, puis le passage dans les années 1990, selon les termes de l’auteur, du stade « hégémonique » de l’ordre états-unien à sa phase « impérialiste » ou « néo-wilsonienne ». Ironie de l’histoire récente, le nouvel hôte de la Maison-Blanche, Donald Trump, prend le contre-pied de cette politique et tourne le dos à l’exceptionnalisme et au messianisme démocratique jusque-là invoqués pour justifier l’instauration d’une Pax Americana.
   Smith entreprend éloquemment de raviver une tradition dont il s’est souvent montré dans ses travaux antérieurs fin exégète et ardent laudateur. Il s’appuie méticuleusement sur les écrits de Wilson pour montrer qu’au moment de son accession à la magistrature suprême ce dernier dispose d’un corps de doctrine cohérent, fruit de trois décennies de réflexion sur l’histoire américaine et britannique, le parlementarisme et la démocratie, à laquelle se mêle l’influence du presbytérianisme. Sa vision politique, pétrie d’« anglo-teutonnisme » et de darwinisme, se révèle en fait extrêmement modérée et réaliste et frappe par son idéalisme mesuré. L’établissement de la démocratie ne se fait pas ex nihilo ; il nécessite un long apprentissage. La Révolution française avec sa tabula rasa et ses excès fait figure de contre-exemple et de repoussoir.
   Selon Tony Smith, les concepts-clés du wilsonisme, pensés comme facteurs de paix et de stabilité dans le monde, sont au nombre de quatre : libre-échange et intégration économique, multilatéralisme assurant une « sécurité collective », leadership éclairé de l’Amérique et, surtout, coopération entre les démocraties. Cependant, avant de théoriser sa vision des relations internationales, dont il voit l’expansion de la démocratie comme le but ultime, Wilson cède au tournant du siècle aux sirènes de l’expansionnisme civilisateur cher à Théodore Roosevelt, que Smith dénomme « impérialisme progressiste », à savoir cette « promotion de la démocratie » par la force mise en pratique avec des bonheurs divers aux Philippines au lendemain de la guerre hispano-américaine, puis, sous sa présidence, au Mexique, en Haïti et à Saint-Domingue. L’élaboration du traité panaméricain de 1915-1916 conduit Wilson, plus kantien que hobbesien, à préciser sa conception du multilatéralisme comme fondement de la sécurité collective et initiateur de démocratie et de paix. Cette vision vient à maturité lorsqu’il fait face au conflit mondial. Elle a été ébauchée dès 1910, il faut le rappeler, par le premier Roosevelt dans son discours devant le comité Nobel de la Paix.
   Avec la Société des Nations, Wilson entend alors bâtir un nouvel ordre mondial substituant au traditionnel équilibre des puissances la sécurité collective. Sa démarche consiste à transposer sur la scène mondiale sa réflexion sur la démocratie en Amérique, sa conviction qu’un gouvernement doit tenir son pouvoir du consentement des gouvernés, son anti-impérialisme et, comme le montrera son attitude envers l’Allemagne vaincue et la révolution bolchevique, sa certitude qu’un peuple culturellement et racialement homogène peut prendre son destin en main et évoluer vers une société de liberté — à condition qu’il dispose de citoyens engagés, dotés d’esprit civique, d’une élite dirigeante favorable à un État de droit et d’une classe moyenne soucieuse de voir ses aspirations prises en compte — mais qu’il est vain de vouloir stopper un mouvement révolutionnaire par l’envoi de troupes étrangères.
   Smith s’attache ainsi à démontrer que la promotion de la démocratie et, partant, de la paix dans le monde est au cœur du projet wilsonien ; pierre de touche de l’internationalisme libéral américain, elle est indispensable à l’établissement, sous l’égide de l’Amérique, d’un système certes bénéfique pour tous, mais dont le but premier est avant tout de garantir la sécurité des États-Unis et de protéger leurs intérêts globaux. Comme il apparaît dans la deuxième partie de l’ouvrage, consacrée au « wilsonisme sans Wilson », le souci de l’auteur est de souligner l’extraordinaire succès et la pérennité d’une vision ambitieuse pour l’Amérique, mais également de corriger un certain nombre de malentendus et d’erreurs d’interprétation. La principale, au dire de Tony Smith, tient aux qualificatifs accolés au wilsonisme — idéaliste, moralisateur, utopique, porteur d’un impérialisme messianique — par nombre de spécialistes de la politique étrangère américaine. C’est faire peu de cas, selon, lui des écrits universitaires de Wilson, de son bilan présidentiel et des espoirs limités qui animaient sa vision prudente des progrès de la démocratie. La preuve de son adéquation au monde du XXe siècle est que nonobstant son échec en 1920 et durant la décennie qui suit, l’internationalisme wilsonien retrouve son attrait lorsque éclate la Deuxième Guerre mondiale, d’autant plus que les hommes alors au pouvoir ont connu et servi le 28e président. L’héritage wilsonien prend alors de multiples formes, notamment l’instauration de 1941 à 1951 des premiers organismes internationaux et, surtout, l’occupation et la démocratisation de l’Allemagne et du Japon, deux réussites majeures dues en grande partie au passé et aux qualités de ces deux peuples — la leçon du wilsonisme, oubliée en Iraq en 2003, étant que la démocratie ne peut fleurir à partir de rien.
   La guerre froide voit l’avènement de l’endiguement du communisme et à cette fin l’alliance avec des régimes antidémocratiques, au nom d’une doctrine « réaliste » et non point « libérale », ce qui n’entache en rien aux yeux de Smith l’héritage wilsonien car les deux approches étaient complémentaires et Wilson lui-même était un « réaliste libéral ». Les internationalistes libéraux pendant cette période manifestaient d’ailleurs un optimisme prudent. Ces régimes autoritaires pouvaient éventuellement être influencés dans le sens d’un assouplissement. Les tensions entre réalistes et libéraux ne manqueront pas, marquées par des excès d’un côté (Iran en 1953, Guatemala en 1954, Chili en 1973) et des naïvetés de l’autre (Kennedy et l’Alliance pour le progrès, Carter et les droits de l’homme), les échecs tenant à ce que Wilson voyait comme essentiel dans la mutation démocratique, au-delà de l’engagement de Washington : le caractère et la nature d’un peuple. Cette donnée peut expliquer les victoires inattendues du « libéralisme » au Portugal, en Espagne et en Grèce entre 1975 et 1985, succès qui consoleront des déboires encourus en Amérique latine et en Asie du Sud-Est.
   La présidence de Ronald Reagan avec sa politique anticommuniste agressive et sa réaction positive aux ouvertures de Mikhaïl Gorbatchev constitue une transition entre la fin de la guerre froide et les révisions apportées à la doctrine internationaliste libérale par les néo-conservateurs dans les années 1990. Démocratie, ouverture des marchés, multilatéralisme, leadership américain — l’esprit du wilsonisme se maintient, mais moins vigoureusement, avec les présidents George H. W. Bush et Bill Clinton. La chute de l’Union soviétique en 1991 et l’optimisme qu’elle engendre dans le camp libéral entraînent la formulation de nouveaux concepts par des néo-libéraux démocrates et leur diffusion par des néo-conservateurs républicains ; ainsi naît le « néo-wilsonisme » qui ouvre à l’internationalisme libéral sa phase « impérialiste ». Smith entreprend dans le chapitre six une sévère analyse théorique, très fouillée, de l’éclosion et du développement dans le milieu universitaire et les cercles du pouvoir de théories néo-wilsoniennes qui vont dominer à partir de 2001, notamment avec la notion de « guerre juste », le droit d’ingérence et la guerre préventive de la « doctrine Bush ». Il note également une myopie aux graves conséquences dans les rapports officiels, le désintérêt pour le matériau humain et le contexte local des expériences de « promotion de la démocratie », d’où les réactions de rejet des valeurs libérales dans le monde arabe et le choc de civilisations ainsi provoqué.
8Il termine par un survol de la pratique néo-wilsonienne sous George W. Bush et Barack Obama prétextant « l’attrait universel de la démocratie », un « devoir de protection » et le fait que « nos intérêts et nos valeurs ne font qu’un » ; il souligne leurs échecs — l’invasion de l’Iraq par Bush et la tragique déstabilisation du Moyen-Orient  au lieu du remodelage annoncé, la faiblesse de la politique d’Obama en Libye et en Syrie, ses mauvais choix lors du « printemps arabe » et sa diplomatie incantatoire (à l’exception de la normalisation des relations avec Cuba et de l’accord sur le nucléaire iranien qui n’étaient pas des initiatives strictement néo-wilsoniennes), le bourbier afghan dans les deux cas — et conclut au dévoiement du wilsonisme et à la nécessité d’un retour aux sources. La transformation de l’internationalisme libéral en une idéologie impérialiste dans les années 1990 a mis en péril les valeurs qu’il prétend défendre ; il n’est que de voir les désastres causés en leur nom dans le monde musulman de l’Afrique du Nord à l’Afghanistan.
   Au terme d’une recherche approfondie, mise en valeur par une argumentation serrée et un texte dense, mais au prix de quelques répétitions, Tony Smith nous livre une étude magistrale, du wilsonisme, de sa cohérence, de son impact sur les relations internationales, de l’usage qu’en firent les successeurs du 28e président, de ses dévoiements et des effets bénéfiques que pourrait produire un retour à la doctrine initiale dont les enseignements restent encore mal connus. Son livre est également une indispensable mise en perspective d’un siècle de politique étrangère américaine.

Friday, December 14, 2018

L’art de la division : Trump et la racialisation de la politique

La présente contribution est une traduction-adaptation de mon article: Serge Ricard, « The Trump Phenomenon and the Racialization of American Politics », Revue LISA/LISA e-journal [En ligne], vol. XVI-n°2 | 2018, mis en ligne le 24 septembre 2018. URL: http://journals.openedition.org/lisa/9832 ; DOI : 10.4000/lisa.9832. Elle a fait l'objet d'une présentation orale le 17 octobre 2018 au colloque international de l'École militaire, Paris, 17-18 Octobre 2018, sur le thème : « Une puissance en transition? L’Amérique de Trump et les enjeux stratégiques américains pour 2020 ».

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Résumé : Il y a aujourd’hui parmi les commentateurs de la scène politique pléthore d’analyses de l’ascension de Donald J. Trump. Sa victoire peut sans doute être attribuée à une conjonction de causes, mais l’une d’elles en particulier mérite tout spécialement l’attention : le facteur racial. Le phénomène Trump fut regardé comme l’élévation à la magistrature suprême d’un égaré en politique alors qu’en réalité, il s’agissait d’un retour à la normale dans une société historiquement raciste. L’élection du premier président afro-américain des États-Unis fut atypique ; pas celle d’une vedette de la télé-réalité qui, huit ans plus tard, a su faire de la question raciale une arme politique efficace. La permanence du racisme dans la société américaine peut s’observer dans son impact sur l’élection de 2016, soit par le biais de son activation éhontée, soit à travers une rhétorique codée, sa centralité dans le discours trumpien, les beaux jours promis au nationalisme blanc sous un président qui attise les flammes de la division et des préjugés, ainsi que les signes inquiétants d’une « nouvelle guerre civile » dans une nation désunie.

Abstract: There is today among commentators of the political scene a scramble for analysis of the rise of Donald J. Trump. His victory can no doubt be attributed to a conjunction of causes but one in particular deserves special attention: the racial factor. The Trump phenomenon was regarded as the elevation to the highest office of a political misfit when it was actually a return to normalcy in a historically racist society. The election of the United States’ first African American President was atypical, not that of a reality-TV star who, eight years later, succeeded in turning the race issue into an efficient political weapon. The permanence of racism in American society is evidenced by its impact on the 2016 election, either by means of its unabashed activation or through a coded rhetoric, its centrality in the Trumpian discourse, the heyday of white nationalism under a President prone to stoking the flames of division and prejudice, together with the disquieting signs of a “new civil war” in a disunited nation.

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Si peu d’observateurs outre-Atlantique prédirent qu’une vedette de la télé-réalité succéderait au premier président afro-américain de l’histoire des États-Unis, il y a aujourd’hui parmi les commentateurs de la scène politique pléthore d’analyses du phénomène Trump. Les politologues et les sociologues interrogent les données démographiques et les facteurs économiques, les historiens scrutent les précédents chez les démagogues. L’ascension de Donald J. Trump peut sans doute être attribuée à une conjonction de causes, mais l’une d’elles en particulier mérite tout spécialement l’attention : le facteur racial. Non point qu’il soit négligé dans l’afflux d’articles sur l’accession à la Maison-Blanche du magnat de l’immobilier, mais il semble comparativement minimisé plutôt qu’exposé comme il le devrait. Les incidents raciaux qui se sont poursuivis pendant les deux mandats d’Obama, comme les émeutes de Ferguson ou la fusillade à l’église de Charleston, tendent à prouver qu’un changement  de président est loin d’avoir suffi à améliorer la situation. Les États-Unis sont historiquement une nation raciste —sous un verni de tolérance (qui craque aujourd’hui) depuis la propagation du « politiquement correct » dans les années 1990. L’élection de Barack Hussein Obama fut célébrée comme l’avènement d’une Amérique post-raciale alors qu’en fait les préjugés n’étaient que dormants et se réveillèrent à cette occasion, et la victoire de Trump fut regardée comme l’élévation à la magistrature suprême d’un égaré en politique alors qu’en réalité, il s’agissait d’un retour à la normale, comme le montra l’augmentation des incivilités et agressions d’origine raciste à partir du 8 novembre 2016.  L’élection d’Obama fut une anomalie, pas celle de Trump. La permanence du racisme dans la société américaine peut s’observer, on va le voir, dans : 1) son impact sur l’élection de 2016, soit par le biais de son activation éhontée, soit à travers une rhétorique codée ; 2) sa centralité dans le discours trumpien ; 3) les beaux jours promis au nationalisme blanc sous un président qui attise les flammes de la division et des préjugés, et 4) les signes inquiétants d’une « nouvelle guerre civile » dans une nation désunie.



Illusoire « Melting Pot »
Nonobstant la rhétorique du « creuset » au tournant du XIXe siècle et les célébrations ultérieures du multiculturalisme, racisme et préjugés anti-immigrants sont des constantes de l’histoire américaine. S’y ajoutent les stigmates de l’esclavage et d’une libération à contrecœur qui est loin d’avoir conduit les Afro-Américains à une égalité parfaite un siècle et demi après leur accession à la citoyenneté. Le culte de la pureté raciale a souvent justifié des politiques d’exclusion envers les Indiens, les Noirs et les Mexicains. L’immigration masssive, surtout non blanche, a toujours entraîné des perturbations socio-économiques ; en témoignent les réactions « nativistes » des années 1850 contre les Irlandais, celles des années 1890 et 1910 contre les Européens de l’Est et du Sud, ou la Loi d’exclusion des Chinois, l’agitation anti-japonaise, les campagnes en faveur des tests d’alphabétisation, ou encore la Loi d’immigration de 1924. La politique anti-immigration de Donald Trump nous renvoie à ces époques troublées, lorsqu’un prétendu cheval de Troie de l’étranger mettait en péril la République. Cette question fut bruyamment remise au goût du jour pendant la campagne de 2016 lorsque le candidat républicain dénonça l’invasion du pays par des hordes de Mexicains, y ajoutant les Musulmans (1,1de la population américaine) pour faire bonne mesure et frapper les esprits en ces temps de terrorisme islamique en jurant d’interdire à ces derniers l’accès aux États-Unis.
L’élection de Barack Obama en 2008 avec le soutien des principaux groupes ethniques fut célébrée comme l’avènement d’une ère post-raciale alors qu’en vérité, les arbres cachaient la forêt. Huit ans plus tard, un magnat de l’immobilier à la mentalité de « petit blanc » lui a succédé sur fond de revanche des classes moyenne blanches s’estimant abandonnées et lésées au profit de minorités de couleur toujours plus nombreuses ; les griefs de cette catégorie de non-diplômés de l’enseignement supérieur sont multiples : sentiment d’être les laissés-pour-compte de l’économie, perte de statut, exaspération devant trois décennies de « politiquement correct » (perçu comme de la censure) et de discrimination positive (assimilée à de la discrimination à l’envers) — en fait une sourde rancune contre la fin de la hiérarchie raciale[1]. La popularité de Trump résulte de la vieille « stratégie sudiste » qui remonte aux années Nixon, sinon plus tôt, et qui faisait appel de façon codée aux préjugés racistes des Blancs et à l’intolérance. En ce sens, le nouveau locataire de la Maison-Blanche est bel et bien la créature du Parti républicain et le dernier symptôme de sa crise, un démagogue qui du fait de son franc-parler est devenu le héros et le porte-parole des nationalistes blancs et a aidé le GOP (Grand Old Party) à se radicaliser. On notera l’ironie grinçante du remplacement du premier président noir par la figure de proue du « Birther movement » qui a contesté sa naissance aux États-Unis, un candidat lent à rejeter le soutien du Ku Klux Klan et heureux d’être plébiscité par les nationalistes blancs. En ce sens l’élection de « Donald Trump apparaît comme une répudiation de l’héritage d’Obama et prouve l’existence d’une régression raciale »[2].

L’élection d’Obama : le mythe de l’Amérique post-raciale
Malgré son élection, le 44e président ne s’est jamais bercé d’illusions quant au prétendu recul du racisme, comme il l’a dit dans son discours d’adieu, rappelant que les lois ne peuvent pas tout et que « les cœurs doivent changer ». Ce fut un leitmotiv pendant toute sa présidence ; il ne croyait pas à une Amérique post-raciale ; la condition des Noirs n’allait pas changer du jour au lendemain. À vrai dire, son élection avait fait illusion : Barack Hussein Obama n’avait pas gagné parce qu’il était noir, mais parce que le pays, secoué par deux guerres et une crise économique, aspirait au changement, et aussi parce que, jeune et brillant candidat, il incarnait la nouveauté et éclipsa de ce fait le vieux routier et franc-tireur de la politique, John S. McCain. Les relations raciales ne s’améliorèrent pas miraculeusement pendant ses deux mandats, au contraire, elles s’ aggravèrent, comme le révèle l’opinion des Américains, blancs et noirs, sur cette question[3] et sur les progrès de l’égalité raciale[4]. Sur les problèmes de race, le nouveau président s’efforça de ne rien politiser par souci d’impartialité et d’unité nationale ; il fut extrêmement prudent, trop pusillanime pour ses critiques afro-américains, trop clivant pour ses adversaires blancs. Paradoxalement, c’est sous le premier président noir et à la suite de multiples incidents et affrontements raciaux que fut fondé le mouvement « Black Lives Matter » (les vies noires comptent), le forçant à s’exprimer sur un mode plus passionné et plus intime. On en rappellera les principaux : le 16 juillet 2009 arrestation du professeur noir de Harvard, Henry Louis Gates, Jr., essayant de forcer sa propre porte ; le 19 juillet 2013 acquittement en Floride de George Zimmerman du meurtre d’un jeune noir de 17 ans, Trayvon Martin, au nom des pouvoirs de police que lui conférait sa surveillance du quartier ; le 9 août 2014 tirs mortels sur un jeune noir de 18 ans non armé, Michael Brown, par un officier de police blanc à Ferguson dans le Missouri, suivis de manifestations et d’émeutes, et marquant l’essor du mouvement « Black Lives Matter » ; en décembre de la même année, impunité assurée une nouvelle fois aux forces de l’ordre dans le cas d’un policier new-yorkais responsable de la mort par étouffement d’Eric Garner, un noir soupçonné de vendre des cigarettes illégalement ; plus dramatique encore, le 17 juin 2015, massacre par un suprématiste blanc de huit paroissiens noirs et de leur pasteur dans une église de Charleston en Caroline du Sud ; ou encore, le 17 juillet 2016, mort à Dallas de cinq officier de police tués par un tireur embusqué lors d’une manifestation pacifique contre de nouveaux tirs mortels de policiers visant des Noirs plus tôt dans la semaine en Louisiane (Alton Stirling) et dans le Minnesota (Philando Castile). Pendant tous ces moments difficiles de tension raciale, le Président montra beaucoup de tact tout en dénonçant la violence et le racisme.
Le premier président noir des États-Unis fut aussi personnellement l’objet d’attaques liées à ses origines. Sa naissance aux États-Unis fut de nouveau mise en en doute lorsque Trump relança le « Birther movement » au début de l’année 2011 et son physique continua lui de valoir des injures racistes. On notera que contrairement à la plupart des démocraties libérales, aucune loi aux États-Unis ne punit les injures racistes au nom du sacro-saint Premier Amendement qui défend la liberté d’expression de manière quasi absolue[5].

La campagne de Trump : la vengeance des WASP
Compte tenu de son histoire personnelle d’hostilité envers les Noirs, des procès qui lui furent intentés pour discrimination à son acharnement haineux contre les « Cinq de Central Park »[6] même après qu’ils furent innocentés, on peut penser que l’accession d’un Noir à la Maison-Blanche ne fut pas étrangère à la décision de « The Donald »[7] de briguer la présidence en 2016 ; compte tenu de son arrogance et de son narcissisme bien connus, on peut imaginer qu’elle date de l’humiliation publique qu’Obama lui infligea le 30 avril 2011 lors du traditionnel dîner des Correspondants à la Maison-Blanche, comme l’a suggéré son allié de longue date, Roger Stone, un consultant politique républicain[8]. Le Président qui trois jours plus tôt avait rendu publique la version longue de son acte de naissance pour faire taire la polémique lancée par les conspirationnistes et entretenue par Trump monta sur le podium et pendant de longues minutes se moqua impitoyablement du magnat de l’immobilier présent dans l’assistance, ironisant même sur son plus grand sujet de fierté, son émission de télévision « The Apprentice » (l’apprenti). Il se passerait encore cinq ans avant que ce dernier admette à contrecœur sous la pression des médias pendant la campagne qu’Obama était bien né aux États-Unis : « Le président Barack Obama est né aux États-Unis. Point final »[9].
Le 16 juin 2015, la veille de la fusillade de Charleston, Donald J. Trump descendit l’escalator de la Trump Tower à New York et annonça une candidature que personne ne prit au sérieux ainsi que son intention de « rendre sa grandeur à l’Amérique » ; les forces conservatrices du pays allaient bientôt se rallier à un nouveau représentant, un démagogue populiste qui pressentait que le « nativisme », la xénophobie et le non-respect des normes seraient essentiels à sa popularité auprès de l’électorat[10].
Sa cible principale allait être Obama qu’il rendait responsable de la chute des États-Unis au niveau d’« un pays du tiers-monde ». Il commença par dénoncer véhémentement l’immigration, contre laquelle il appelait à la croisade, et accusa le Mexique d’exporter ses pires éléments, des criminels, des violeurs, des trafiquants de drogue ; il promit de construire un mur à la frontière et de le faire payer par le Mexique ; il prétendit que par la faute d’Obama et des administrations précédentes l’Amérique était exploitée par le reste du monde.
On trouve dans ce discours par ailleurs débordant de suffisance et de prétention un concentré de la plupart de ses idées fixes et leitmotivs : le « désastre » d’Obamacare qu’il remplacerait par un système meilleur et moins cher, l’éducation trop coûteuse, le besoin d’un président capable d’éradiquer l’État islamique.
Ce discours marqua l’épanouissement de la « post-vérité », l’entrée dans l’ère des « faits alternatifs » en ce qu’il fit apparaître Trump comme le menteur compulsif que nous connaissons maintenant, qu’il croit ou non ses propres mensonges comme se le demandent certains observateurs aujourd’hui[11]. Sa campagne joua sur les angoisses des classes moyennes — peur des immigrants illégaux et des réfugiés musulmans, du « terrorisme islamique radical », de la violence des défenseurs des droits civiques manifestant contre les tirs policiers sur des Noirs désarmés. En fin de compte « le Donald » coiffa au poteau tous ses concurrents. Il montra à l’Amérique et au monde son vrai visage — son racisme, sa misogynie, sa propension au mensonge éhonté — et fit sans vergogne commerce électoral de son credo isolationniste obsessionnel concernant l’ALENA, le Partenariat Trans-Pacifique (TPP), l’OTAN, l’ONU, l’UNESCO, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et leurs pratiques commerciales déloyales, les guerres de Bush et d’Obama, l’État islamique, etc. Il adopta cette pose ridicule et puérile de « superman » de la politique qui depuis deux ans caractérise  notamment sa diplomatie chaotique et révèle son inoxydable autosatisfaction.

Trump à la Maison-Blanche : la nouvelle normalité
Il est tentant de noter que « la folie du président Donald J. Trump n’est pas sans méthode » car toutes les décisions et mesures qu’il a prises depuis son entrée à la Maison-Blanche ont obéi à un schéma cohérent : oblitérer le bilan d’Obama. Leur liste par inférence révèle les innombrables réalisations et avancées dues au 44e président dans la plupart des domaines — santé, éducation, emploi, justice sociale, finance, environnement, défense, diplomatie, etc. — et non sans quelque ironie peut se lire comme un hommage au bilan de son administration. L’action de Trump depuis janvier 2017 s’est définie essentiellement par opposition à celle de son prédécesseur. Son programme, toutefois, comprend d’autres priorités, maintenir le clivage racial, effrayer et rassurer tout à la fois sa base électorale blanche, intimider les « minorités », notamment les Noirs et les Hispaniques, et stopper l’invasion migratoire par la construction d’un mur  à la frontière mexicaine.
Lors de sa prestation de serment, il avait juré de mettre fin à « ce carnage américain », mais il allait en fait l’exacerber en promettant, comme il le fit lorsqu’il reçut l’investiture républicaine, de « restaurer la sécurité », dénonçant « les attaques contre notre police », « le terrorisme dans nos villes »[12]. Un message similaire paraîtrait sur le site Web de la Maison-Blanche au lendemain de son entrée en fonction[13]. Le but de ces déclarations était de perpétuer un « fantasme », d’amalgamer les violences criminelles et les manifestations en faveur du respect des droits civiques, « de diaboliser des groupes et mouvements protestataires réclamant une réforme de la police ». Comme le souligne Jamelle Bouie, « cela est essentiel à sa vision politique plus large, une politique identitaire blanche qui réagit avec scepticisme et hostilité aux accusations d’injustice raciale »[14]. Mais la réalité contredit la rhétorique de Trump : d’après les statistiques du FBI et du ministère de la Justice, la criminalité a baissé nettement ces vingt-cinq dernières années. D’autre part, tous les crimes et délits ne sont pas signalés et la plupart de ceux qui le sont ne sont pas résolus. De plus, la criminalité varie sensiblement selon la densité de population et les conditions économiques. Enfin, malgré la baisse, la perception qu’en a le public est tout le contraire : au moins six Américains sur dix pensent que la criminalité a augmenté au niveau national, comparé à l’année précédente, quand la moitié disent qu’il n’en est rien là où ils vivent[15].
Le cœur du problème, c’est que les groupes ethno-raciaux ne sont pas traités de manière égale, bien qu’une majorité écrasante de Blancs soient convaincus du contraire, et que le groupe qui pâtit le plus de la criminalité, les Afro-Américains, est la cohorte la plus susceptible de juger sévèrement les forces de l’ordre et de soutenir une réforme de la police, notamment des sanctions plus lourdes pour les officiers coupables d’un usage excessif de la force ou de racisme patent. L’approche de Trump, selon Bouie, « fait partie intégrante du nationalisme blanc qui a alimenté sa campagne, inspiré son administration et façonne maintenant son discours en tant que président », le signe qu’« il gouvernera avec l’œil sur les clivages et antagonismes raciaux comme pendant sa campagne ». Et la plupart des Blancs souscrivent à cette vision fortement « racialisée » de la société américaine[16].
Depuis son entrée en fonction le 45e président a su habilement créer une réalité alternative dans laquelle tous les Noirs sont des criminels potentiels et tous les immigrants des membres du puissant gang latino-américain MS-13. Il a assimilé un mouvement protestataire symbolique à de l’antipatriotisme en attaquant les joueurs de la « National Football League » qui posaient un genou à terre pendant l’hymne national pour manifester contre les violences policières subies par les Noirs et a obtenu que la NFL change son règlement en violation de la liberté d’expression des joueurs garantie par le Premier Amendement. Il a même essayé d’instiller la peur chez les réfugiés à la frontière sud avec la cruelle séparation des enfants de leurs parents. La Maison-Blanche fut tellement déstabilisée par la violente réaction de l’opinion et la condamnation quasi-universelle de sa politique d’immigration-zéro que Donald Trump, généralement peu enclin à céder, annula son décret présidentiel  six semaines plus tard.
Une nation divisée ne peut qu’inquiéter. Qui sème le vent récolte la tempête. Non seulement ont eu lieu pendant son court mandat trois des pires fusillades de l’histoire récente des États-Unis, perpétrées par des Américains atteints de troubles mentaux et non par des djihadistes ou des immigrants membres de gangs, mais le nombre de crimes racistes a augmenté spectaculairement depuis son élection. Ce phénomène résulte de sa propension à semer les graines de la division et à attiser les flammes du racisme ; le Président lui-même a enhardi les groupes qui véhiculent la haine raciale et dont il n’a jamais dénoncé le soutien qu’ils lui apportaient. Son dénigrement permanent des Musulmans a complété le message raciste. Voilà qu’aujourd’hui des citoyens blancs paranoïaques s’en prennent à de paisibles Afro-Américains en alertant la police au 911 pour un oui, pour un non ; et l’on ne peut être surpris que les tirs policiers sur des Noirs continuent, rituellement ponctuée par les protestations du mouvement  « Black Lives Matter », sans que le « twitteur  en chef » s’en inquiète, au contraire de ses prédécesseurs. Au bout d’un an de sa présidence 60% d’Américains estimaient que les relations raciales s’étaient aggravées, 8% disaient le contraire et 30% pensaient qu’il n’y avait pas eu de changement[17]. Il n’y a rien d’étonnant à ce que sa popularité auprès des électeurs noirs soit au plus bas — malgré le soutien que lui a apporté le talentueux rappeur bipolaire Kanye West, que ses fans ont pardonné car ils le savent coutumier d’excentricités et de provocations, mais que Trump a accueilli avec un enthousiasme puéril et comique. Le plus préoccupant demeure l’attitude ouvertement militante des nationalistes et des suprématistes blancs, sans parler de l’indéracinable Ku Klux Klan.
Depuis l’élection de Trump les suprématistes blancs ont organisé de nombreux rassemblements dans plusieurs régions des États-Unis. Quel qu’en soit le lieu, tous se sont déroulés selon le même schéma : chaque fois un petit nombre de suprématistes issus de diverses entités prônant la haine raciale (comme le Ku Klux Kan ou Identity Evropa) se sont alliés à des membres de groupes moins marqués par le nationalisme blanc, réunis sous la bannière de la « droite alternative » (alt-right). Ils se sont invariablement affronté à la police et aux contre-manifestants (comme Antifa, un groupe antifasciste violent), avec le plus souvent d’inévitables débordements, des tabassages, des fusillades et même mort d’homme. Le plus terrifiant eut lieu le 12 août 2017 à Charlottesville en Virginie où se rassemblèrent des centaines de nationalistes blancs, néo-Nazis et autres groupes de suprématistes. Les affrontements, d’une extrême violence, se soldèrent par la mort d’une contre-manifestante et constituèrent un tournant en raison de leur impact national  et international. Trump dans un premier temps condamna la violence « des deux côtés », y compris celle de ce qu’il appela the alt-left (la gauche alternative), notant qu’il y avait « des gens très bien » des deux côtés, tout en se distançant finalement de l’extrême droite (« J’ai condamné les néo-Nazis »). Le 23 août 2017 le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) de l’ONU, dans une rare mise en garde, appela le gouvernement des États-Unis à condamner « inconditionnellement et sans équivoque » les crimes et discours racistes, sans aller jusqu’à nommer le Président. Force est de constater que sous Donald Trump « les préjugés, la haine et le racisme, de marginaux sont devenus dominants »[18] et que les groupes d’extrême droite ont considérablement affiné leur discours, invoquant astucieusement la liberté d’expression, l’ouverture du débat et « l’union des droites » pour le rendre plus présentable, au point de duper certains libéraux. La tragédie de Charlottesville, cependant, fut universellement condamnée.

La boîte de Pandore et l’hydre du racisme
La démocratie pourrait bien être menacée aujourd’hui aux États-Unis. En faisant fi des normes et des traditions le 45e président a révélé les failles de la constitution américaine[19]. Globalement, le Parti républicain s’est déplacé vers la droite depuis le début du XXIe siècle ; il s’est de toute évidence radicalisé et a absorbé les ultraconservateurs du « Tea Party ». La disparition des accords bipartites est à présent une donnée de la politique au Congrès. Les conservateurs ont développé une panoplie d’insultes et de termes codés pour dépeindre les démocrates sous un jour désobligeant de dangereux gauchistes. Électoralement, « une maison divisée » est désormais victime d’une tyrannie de la minorité. Malgré la conquête de la Chambre des représentants par les démocrates lors des élections de mi-mandat le 6 novembre 2018, les républicains grâce à la chambre haute restent en position de force dans deux des trois arènes démocratiques (Chambre basse, Sénat, Présidence) bien que minoritaires en voix[20] — et les choix de Trump pour pourvoir les vacances de juges vont selon toute vraisemblance rendre le pouvoir judiciaire plus réactionnaire dans les années qui viennent. La réaction plus que le progrès semble à l’ordre du jour, aiguillonnée par une droite dure.
Depuis la victoire de Donald Trump l’ultra-droite a donné libre cours à ses idées pernicieuses. Le poison du racisme s’est répandu encore plus. Des propos hideux résonnent dans le débat national sur l’immigration et les questions raciales. Selon le « Southern Poverty Law Center » les groupes prônant la haine (hate groups), au nombre de presque un millier, sont présents dans les cinquante États de l’Union, non seulement des suprématistes blancs, mais aussi des groupes de nationalistes noirs. Dans la première catégorie, les néo-Nazis ont connu le plus fort développement[21]. À ce propos, le 1er février 2018, le Huffington Post a publié un article sur  la « AtomwaffenDivision », un groupe néo-Nazi fortement armé qui admire Charles Manson et Adolf Hitler, dont l’ambition est de lancer une guerre raciale et de renverser le gouvernement des États-Unis et dont les membres sont les auteurs présumés de cinq meurtres (apparemment sans coordination) en huit mois[22]. Des suprématistes blancs ont également tenté d’organiser des contre-manifestations avec le slogan « White Lives Matter » (les vies blanches comptent).
De plus, une guerre idéologique est en cours. Quelques exemples peuvent l’illustrer facilement. À la fin décembre 2017, quelque 3000 étudiants venus de plusieurs campus américains se sont réunis en Floride près de Mar-a-Lago, le club privé de Trump, pour un « sommet » mis sur pied par « Turning Point USA », une organisation à but non lucratif qui entend former les étudiants à l’économie de marché ; la rencontre était consacrée à la liberté d’expression, aux « guerres culturelles » et au péril gauchiste. Plus préoccupante est la propagande suprématiste sur les campus universitaires en augmentation de 258% entre l’automne 2016 et 2017 d’après un rapport de la « Anti–Defamation League » de février 2018. Le postulat de la « droite alternative » qui l’alimente en grande partie est que tous les changements politiques depuis les années soixante sont partis des campus[23]. Une approche plus sournoise, plus inquiétante pour l’avenir car certains s’y laissent prendre, consiste à s’insinuer dans le discours dominant, comme s’y efforce Richard Spencer[24], et à habiller le racisme des oripeaux élimés de théories « pseudo-socio-scientifiques » pour le rendre plus respectable et, partant, plus acceptable.
Les nationalistes blancs, pour qui les Latinos, les Noirs, les Juifs et les Musulmans sont autant d’indésirables, ont indéniablement été encouragés dans leur militantisme par le verbe trumpien qu’ils ont applaudi en plusieurs occasions car il apparaissait comme une normalisation de leur discours de haine. Ils ont trouvé un héros dont le programme clivant est taillé à leur goût : interdire aux immigrants de couleur et aux Musulmans l’entrée des États-Unis, exclure les illégaux, repousser le jour prédit par le bureau du Recensement où les Blancs deviendront minoritaires, subvertir les sempiternelles valeurs américaines de justice et d’égalité, en un mot polariser et racialiser le débat national. Que peuvent présager les débordements de haine et d’intolérance sinon une guerre raciale ? À en juger par la première moitié du mandat de Donald Trump les États-Unis sont affligés d’une présidence conflictuelle et chaotique et engagés dans une forme de « guerre civile non déclarée » que rage et racisme marqueront de leur sceau. Cette guerre a déjà commencé avec la prise à partie dans des lieux publics de membres de l’équipe du Président[25] ; un « mouvement de résistance à Trump » s’est développé, une coalition hétéroclite d’« anti-trumpistes » qui divergent sur la tactique mais qui semblent s’accorder sur le bulletin de vote comme dernier recours et que les résultats des élections de novembre 2018 ont comblés. Avec le basculement à leur avantage de la Chambre basse, le combat anti-Trump va s’intensifier. Compte tenu des tensions à l’œuvre dans la société américaine, il y a peu d’espoir que les antagonismes politiques et raciaux s’apaisent de sitôt.


[1] Jamelle Bouie, « How Trump Happened », Slate, March 13, 2016.
[2] Nick Bryant, « Barack Obama Legacy : Did He Improve US Race Relations?, » BBC News, January 10, 2017.
[3] Jennifer Agiesta, « Most Say Race Relations Worsened under Obama, Poll Finds », CNN, October 6, 2016.
[4] Pew Research Center, « Most Americans Say Trump’s Election Has led to Worse Race Relations in the U.S. », December 19, 2017.

[5] Voir Frederick Schauer, « The Exceptional First Amendment », SSRN Electronic Journal, February 18, 2005. <https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=668543>, consulté le 7 juillet 2018.
[6] Dans les années 1980 Trump s’offrit de pleines pages de publicité dans quatre grands quotidiens new-yorkais pour appeler au retour de la peine de mort contre cinq jeunes Noirs et Latinos accusés à tort du viol de « la joggeuse de Central Park ». Il ne s’excusa jamais après qu’ils furent innocentés. Oliver Laughland, « Donald Trump and the Central Park Five : The Racially Charged Rise of A Demagogue », The Guardian, February 17, 2016.
[7] Un sobriquet popularisé par sa première femme, Ivana Trump, dans les années 1980. Amy Argetsinger, « Why Does Everyone Call Donald Trump ‘The Donald’? It’s an Interesting Story », The Washington Post, September 1, 2015.

[8] Nikki Schwab, « Did Trump decide to run when Obama mocked him as a birther conspiracy theorist at White House dinner? », Mail Online, September 22, 2016.

[9] Stephen Collinson et Jeremy Diamond, « Trump Finally Admits It : ‘President Barack Obama Was Born in the United States’ », CNN, September 16, 2016.
[10] Nick Bryant, op. cit.
[11] Rupert Neate, « Donald Trump Announces Presidential Run with Eccentric Speech », The Guardian, June 16, 2015.
[12] Brad Plummer, « Full Transcript of Donald Trump’s Acceptance Speech at the RNC », Vox, July 22, 2016.
[13] <https://www.whitehouse.gov/issues/law-justice/>, consulté le 7 juillet 2018.
[14] Jamelle Bouie, « The Meaning of ‘American Carnage’ », Slate, January 23, 2017.
[15] John Gramlich, Pew Research Center, January 30, 2018.
[16] Jamelle Bouie, op. cit.
[17] John Gramlich, op. cit.
[18] Al Sharpton, « In America Bias, Hate and Racism Move from the Margins to the Mainstream », The Guardian, August 14, 2017.
[19] Partant du principe qu’il pouvait se permettre ce qu’aucune loin ne lui interdisait, Trump a foulé aux pieds un certain nombre de coutumes et conventions qui permettent à une démocratie de fonctionner sereinement sans  qu’elles soient inscrites dans sa constitution. Jonathan Freedland, « The Year of Trump Has Laid Bare the US Constitution’s Serious Flaws, » The Guardian, December 30, 2017.
[20] Christopher R. Browning, « Dangers I Didn’t See Coming : ‘Tyranny of the Minority’ and An Irrelevant Press », Vox, January18, 2017.
[21] Sara Sidner et Mallory Simon, « Number of Neo-Nazi and Black Nationalist Hate Groups Grew in 2017, SPLC Says », CNN, February 22, 2018.
[22] Christopher Mathias, « 1 Neo-Nazi Group. 5 Murders in 8 Months », The Huffington Post, February 1, 2018.
[23] Christopher Mathias, « White Supremacists Are Targeting College Students ‘Like Never Before’ », The Huffington Post, February 1, 2018.
[24] Richard B. Spencer, qui se considère membre du « mouvement identitaire » (identitarian), est un suprématiste blanc qui dirige le « National Policy Institute », un groupe de réflexion nationaliste blanc, et « Washington Summit Publishers », une maison d’édition de même orientation. Anti-Defamation League, « Richard Spencer : A Symbol of the New White Supremacy », May 14, 2013, https://www.adl.org/blog/richard-spencer-a-symbol-of-the-new-white-supremacy.
[25] Matt Lewis, « The Uncivil War Has Officially Begun », Daily Beast, June 26, 2018; Sam Wolfson, « ‘Make Them Pariahs’ : How Shaming Trump Aids Became a Resistance Tactic », The Guardian, July 11, 2018.
 

 

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Serge Ricard est professeur émérite d’histoire et civilisation américaine à la Sorbonne Nouvelle (Université Paris III). Spécialiste reconnu de Théodore Roosevelt et son époque et membre du comité consultatif de la « Theodore Roosevelt Association », il a dirigé A Companion to Theodore Roosevelt (2011) pour la collection « Blackwell Companions to American History » et a beaucoup publié comme auteur, directeur ou co-directeur sur la politique étrangère américaine, les médias, l’immigration, l’ethnicité et les cultures hispaniques aux États-Unis. On compte parmi ses ouvrages Théodore Roosevelt et la justification de l’impérialisme (1986), The Mass Media in America : An Overview (1998), The “Manifest Destiny” of the United States in the 19th Century : Ideological and Political Aspects (1999), et, plus récemment, Théodore Roosevelt et l’Amérique impériale et Les États-Unis, démocratie impérialiste. Essai sur un dessein manifeste (2016).
  

Serge Ricard is Professor Emeritus of American Studies and U.S. History at the Sorbonne Nouvelle (University of Paris III). A leading scholar of Theodore Roosevelt and his times and a member of the Theodore Roosevelt Association Advisory Board, he has edited A Companion to Theodore Roosevelt (2011) for the Blackwell Companions to American History Series and has published extensively as author, editor or co-editor on American diplomacy, the media, immigration, ethnicity, and Hispanic cultures in the United States. His books include Théodore Roosevelt et la justification de l’impérialisme (1986), The Mass Media in America: An Overview (1998), The “Manifest Destiny” of the United States in the 19th Century: Ideological and Political Aspects (1999), and more recently Théodore Roosevelt et l’Amérique impériale and Les États-Unis, démocratie impérialiste. Essai sur un dessein manifeste (2016).